L'Union, le 8/05/2008
Presse édition 2008
Dissident il va sans dire
L'Union, le 8/05/2008
Voies Off : un public toujours plus fourni
DU rire, du sang et des larmes. La 4e édition de Voies Off, qui s'est terminée dimanche soir, a, une nouvelle fois, joué sur tous les registres de l'émotion.
Douze spectacles étaient au programme de ce festival qui a maintenant bien pris ses marques en terre soissonnaise. Avant-hier, à l'heure du bilan, le président Jean-Pierre Pouget pouvait afficher sa satisfaction.
« Le résultat est au-delà de nos espérances. L'an passé, nous avions accueilli 3.300 spectateurs. Toutes les entrées n'ont pas encore été comptabilisées, mais nous devrions cette fois atteindre la barre symbolique des 4.000 spectateurs », notait le chef d'orchestre de Voies Off, en saluant aussi « l'énorme travail des bénévoles » et des partenaires publics* qui « s'investissent de plus en plus ».
Douce folie
Que retenir de marquant de ces cinq jours de festival ? Il y a, bien sûr, la présence de Darina Al-Joundi (lire ci-dessous) que Voies Off a réussi à faire venir avant qu'elle ne fasse le tour des grandes scènes de l'Hexagone. Dans le monde étonnant des marionnettes, « Bistouri » restera, lui, comme un moment de douce folie. La compagnie Tof Théâtre y revisite, à sa façon, l'histoire du Petit Chaperon Rouge.
Avec un chirurgien fêlé, on pense d'ailleurs plus à MASH qu'à un conte pour enfants ! Tout juste regrettera-t-on que la troupe casse un peu le rêve en révélant ses astuces de mise en scène.
Quant au spectacle proposé en baisser de rideau, « 9.81 », il était tout bonnement magique. Le danseur et acrobate Éric Lecomte y défie, avec une facilité déconcertante, les lois de l'apesanteur.
Pendant trois quarts d'heure, on ne voit plus un homme, mais un serpent, ou un lézard, qui rampe, file et se faufile sur un décor suspendu à la machinerie du Mail. Aérien et poétique.
La vérité sans fard
Seule en scène au Mail, pour ce qui restera le temps fort de la 4e édition de Voies Off, Darina Al-Joundi propose, avec « Le jour où Nina Simone a cessé de chanter », un spectacle en forme de cri.
Cri de douleur, de joie, d'amour mais, malgré la violence à laquelle elle a été confrontée, jamais de haine.
Magnifique dans sa jolie robe d'été rouge, Darina entraîne le public sur le chemin - difficile - qu'elle a parcouru, sur les traces de son père, écrivain et journaliste syrien installé à Beyrouth. L'histoire qu'elle raconte, parfois drôle mais le plus souvent tragique, n'est autre que la sienne.
Liberté chérie
Quand la guerre éclate au Liban, la petite Darina n'a que 7 ans. Son père lui a donné le goût de la liberté ; liberté de parole, liberté religieuse, et aussi liberté sexuelle, mais, dans un pays en proie à tous les démons et tous les intégrismes, elle va la payer au prix fort. Mise en scène par Alain Timar, Darina Al-Joundi joue son propre rôle sans grossir le trait, livrant la vérité, parfois crue, sans fard, ni complaisance.
Les mots et les maux de Darina sont un peu ceux de toutes les femmes éprises de liberté et son courage force le respect.
À la fin de « Bistouri », les astuces sont révélées. Dommage.
Philippe Robin pour l'Union, le 6/05/2008
« Sermons joyeux » : un spectacle dense et poétique
Le spectateur peut être dépassé par ce concentré de sens. Heureusement, il y a un corps, une voix pour servir d'intermédiaire. L'acteur Michel Boy livre ces anathèmes, plaidoiries, arguments - même une chanson - sans cabotiner. Il les interprète plus qu'il ne les « joue ». Sa clarté est complète. Croisé ailleurs, spectateur lui-même du festival, il parle du théâtre.
Pourquoi une impression que certains acteurs « font semblant » ? « Il y a des rôles où l'aspect social, les gestes, sont plus importants. Pour les sermons, c'est le texte qui porte tout. » Un acteur se distingue dans un rôle par ce qui est unique en lui-même. « Les cours privés s'occupent de la toute petite partie émergée de l'iceberg. Ils sont très efficaces, et ça marche bien pour la télévision. A la rue Blanche (ndlr : célèbre cours de théâtre parisien) nous, professeurs, avions les élèves cinq heures par jour, cinq jours par semaine, pendant cinq ans. Il y avait le temps d'explorer, faire sortir ce qui est en chacun. »
Le décor des « Sermons » représente une table après un dîner. Michel Boy tient à ce que chaque verre soit à sa place. « Il y a la mémoire du corps pour un acteur. J'ai besoin de m'y retrouver chaque fois. » Ainsi, il arrive à « vivre » onze spectacles, dans sa tête et dans son corps.
Denis Mahaffey pour l’Union, le 06/05/08
Michel Boy : « Ce qui est important pour un acteur, c'est la mémoire du corps. »
Le 11 septembre vu par San Pedro
« Il ne fallait surtout pas les lâcher. » Daniel San Pedro parlait de « Trois semaines après le paradis » d’Israël Horovitz, qu’il venait de jouer devant cinq cents lycéens au Mail. Cette pièce autobiographique sur les attentats du 11 septembre 2001 à New York a tenu son public, mais un risque de chahut planait toujours. Philippe Chatton, du bureau de Voies off, avait déjà vu l’acteur jouer. « Il était beaucoup plus fragile ».
Un homme raconte son expérience des attentats, sa peur panique en ne trouvant pas son fils, perdu près des tours jumelles. « Je sais ce que ressent un papa palestinien. » Pourtant, ce monologue sur ses réactions, sa dépression, sa fureur ramène tout à des préoccupations américaines. L’énorme chamboulement de son cadre de vie n’élargit pas d’un centimètre les horizons de cet homme. L’ailleurs du monde reste flou, voire invisible.
Un acteur s’expose en jouant, et en se montrant lui-même dans son jeu. San Pedro ajoute une épreuve physique : il dit son texte tout en courant, faisant des pompes, des ciseaux. « Horovitz lui-même est un sportif » explique-t-il.
Détail personnel : Daniel San Pedro s’est trouvé à New York ce 11 septembre-là.
Denis Mahaffey pour l'Union, le 6/08/2008
L'oeil du Loup
La féerie des bois
Clara Cornil et Anne Journo, avec Catherine Delaunay, se déplacent parmi les arbres, transposant en brèves chorégraphies les petits poèmes japonais sur la nature. A la première performance, une cinquantaine d’élèves du primaire, mi-fascinés, mi-perplexes, parfois distraits, ricanants même, s’agglutinaient autour des artistes, puis dévalaient après elles à chaque déplacement. « Une grande prise de risque » selon Philippe Denais, professeur du lycée Nerval qui reçoit Clara Cornil dans sa classe. Ses élèves devaient assister en connaisseurs à la seconde performance.
Dorénavant à Septmonts l’œil imaginera ces deux hamadryades, nymphes des arbres, s’élancer, entourer un tronc, se rouler dans l’herbe, et l’oreille attendra les notes de la dame au long pipeau d’argent. Pourquoi ne pas chercher aussi la foule de lutins malicieux, qu’essaient de canaliser leurs accompagnateurs humains ? Ce spectacle a transformé son contexte, ce qui n’est pas rien.
Denis Mahaffey pour l'Union, le 05/05/08
Temps et tant de désarroi
Le chambardement verbal, qui fait tirebouchonner la logique pour arriver à ses conclusions, rappelle Raymond Devos aussi naturellement qu’une plume rappelle un oiseau. La langue française, aux foisonnants homophones, y est toujours prête. Pour un rien elle se déboutonne, tombe la cravate, et se joint à la danse.
Mais le temps, même bousculé, ne mène pas moins à la fin. Le temps est infini, mais finit pour chacun avec sa mort. Se serait-il ainsi arrêté pour sa femme ? Le bébé dort, le papier plié est découpé en cœur, sans pour autant effacer ce temps – et tant – de désarroi.
Denis Mahaffey pour l'Union, le 04/05/08
Stabat mater furiosa : cracher sur la haine
Enfin, elle appelle simplement l’humanité à « se lever », c’est tout, et ce serait tout.
Denis Mahaffey pour l'Union, le 03/05/07
Voies off : l’échauffement
L’inauguration à la Halle aux poissons, petit échauffement avant les spectacles, a été bercée par la musique lisse du Buddy DiCollette Band, trois Américains et deux Français qui ont joué et chanté les grands standards de Cole Porter.
Les discours, par lesquels les différentes collectivités, la mairie, la Communauté d’agglomération, le Département et la Région ont apporté leur bénédiction, véhiculaient une chaleur et une complicité remarquées. L’enthousiasme de Jean-Pierre Pouget et de son équipe fait de Voies off une institution dans la vie soissonnaise.
La musique, les amabilités pouvaient faire s’attendre un passant naïf à une série de petits spectacles sympas et divertissants. Les anciens savaient que Voies off a pris l’habitude de déranger. Nous allions voir ce que nous allions voir !
Denis Mahaffey
Incognito, la voix de Voies Off
J.R. pour l'Union, le 29/04/2008
Voies Off : Le festival qui monte
Du 30 avril au 4 mai Voies off reprend ses quartiers dans le Soissonnais. Une 4e édition avec comme toujours une programmation de spectacles piochés par les organisateurs parmi ce qui se fait de mieux.
Voies off, le petit festival de théâtre qui monte, qui monte… Mardi soir avait lieu la présentation de la 4e édition en présence de l'équipe de mordus de spectacle vivant qui, en 2005, ont décidé de faire venir dans le Soissonnais des artistes repérés au cours de leurs pérégrinations culturelles à Paris, en Avignon ou ailleurs.
Une présentation de la programmation 2008 qui s'est évidemment déroulée sur une scène, celle du théâtre du Petit Bouffon, à Villeneuve-Saint-Germain, où tour à tour les organisateurs se sont livrés à la description des 12 spectacles.
Cette année, honneur aux auteurs contemporains comme Daniel Pennac, Israël Horovitz, Jean-Pierre Brisset et Jean-Pierre Siméon, poète, romancier, dramaturge, invité spécial de Voies off et qui animera deux rencontres pendant le Festival.
« Un choc »
Des choix de textes et d'interprétations néanmoins éclectiques qui mêlent conte, danse et one man show, qui vont du sérieux au loufoque en passant par la poésie et l'émotion.
Avec un « gros coup de cœur » pour l'un des spectacles que l'équipe est très fière d'avoir repéré avant que la critique nationale ne soit unanimement dithyrambique : « Le jour où Nina Simone a cessé de chanter », par la Compagnie Noun, interprété par une comédienne « investie », Darina Al-Joundi, qui raconte seule en scène l'histoire de sa jeunesse au Liban, élevée par un père qui lui a transmis l'amour de la liberté.
« On a eu un choc, on n'avait aucun renseignement avant d'aller voir ce spectacle, on s'est demandé ce qu'il se passait… », raconte Nathalie Ferréol à propos de cette pièce qui a reçu le prix du meilleur spectacle du festival off d'Avignon décerné par le journal Le Monde.
« Idées préconçues »
Ces moments de culture, l'équipe du Festival dont le noyau est composé d'une petite dizaine de bénévoles souhaite les faire partager au plus grand nombre, en particulier aux plus jeunes.
C'est pourquoi, dès le départ, Voies off a eu pour vocation de tisser des liens avec les scolaires du Soissonnais.
Pour Philippe Chatton, professeur et membre de l'équipe, « On s'adresse aux collèges, aux lycées généraux et techniques. Il n'y a pas d'idées préconçues comme ce qu'on a pu entendre : « Pour eux, il faut des brèves de comptoir ou les Bidochons ». Il faut avoir une plus haute estime des jeunes et leur amener des spectacles de qualité".
Pendant le Festival, des élèves pourront ainsi rencontrer les équipes artistiques, travailler sur les pièces et ainsi passer outre les clichés autour de l'art en général.
Une approche culturelle et pédagogique qui fait mouche puisque Voies off reçoit chaque année le soutien renforcé des institutions publiques (ville de Soissons, communauté d'agglomération, conseil général, conseil régional, direction régionale des Affaires culturelles) et bénéficie de mécénats privés. Ce qui lui permet de proposer des tarifs abordables.
Il ne reste donc plus qu'à réserver ses places.
Jeanne Roussel
Voies off : les réverbérations
Eugène Durif propose ses exercices aux « écrivants ».
L'explosion théâtrale annuelle du festival « Voies off » à Soissons crée ses réverbérations dans le calendrier, en amont et en aval. Cette année, un atelier d'écriture préliminaire a été animé par Eugène Durif, écrivain et comédien, qui présentera son spectacle « Les grenouilles » au festival.
Cela passe souvent par des jeux de mots, les détournements et retournements de sens. Un des textes commence « Il était une fois. Pourquoi une fois ? Pourquoi pas deux fois, trois fois ? » La démarche, qui privilégie la brièveté, la légèreté, a l'avantage de permettre à chacun de faire sourire ses auditeurs, en n'interdisant pas d'aborder tout sujet. La forme reste ludique, le fond peut être grave.
Par ailleurs, produire ces écrits aura donné aux écrivants une oreille plus fine pour la musique des mots de « Voies off ».
Denis Mahaffey
Voies Off : le prochain festival se prépare
La prochaine édition de Voies Off en Soissonnais aura lieu du 30 avril au 4 mai 2008 et déjà ses organisateurs travaillent d'arrache-pied à la programmation sur laquelle le voile est partiellement levé sur le nouveau blog qui vient d'être mis en ligne*.
« Pour la nouvelle édition, nous souhaitons poursuivre notre concept. Celui de petites formes où s'affirment des écritures de la scène originales faisant la part belle aux émotions. Émotions à entendre non pas au sens de sensibleries ou émotionalité mais, au sens étymologique : à savoir mettre en mouvement » peut-on notamment y lire.
Pour Voies Off, il s'agit de « ressentir et réfléchir, accepter de remettre en travail ses propres représentations, se méfier des images et pensées préfabriquées. Afin d'exercer un œil critique sur les colonisations d'imaginaires, celles du petit écran, notamment qui conduisent à la vision d'un monde simplifié. Aussi proposons-nous des spectacles qui veulent dire « l'état du monde », celui d'hier ou d'aujourd'hui. »
On devrait ainsi, lors de l'édition 2008, découvrir pêle-mêle le témoignage d'un père sur les événements du 11 septembre 2001, la rage d'une femme qui part en guerre contre l'homme de guerre, l'expérience autobiographique d'une jeune femme qui a vécu son enfance et son adolescence à Beyrouth, une lucarne sur la société contemporaine et la complexité relationnelle entre une mère et son fils, la voix d'une femme de ménage française qui évolue dans le Paris des années quarante ou encore un univers onirique et fabuleux où l'homme explore ses animalités.